« Mes élèves me considèrent avec des yeux ronds. J’ai passé mes premières séances à leur expliquer qu’une idée n’est pas une surface, messieurs, mais un volume doué de plusieurs dimensions. On ne la parcourt pas seulement en long et en large, mais en hauteur, en profondeur, de tous les côtés. Il y a aussi l’envers des idées. Il faut voir chacune de leurs faces. Quelques idées ont autant de facettes que les yeux d’un papillon – environ quatorze millions. Il faut se promener autour de ces polyèdres. Voilà, messieurs, ce que l’on appelle avoir le sens des nuances. Sans le sens des nuances, vous croirez ce que disent les journaux, vous pleurerez et vous rirez au théâtre, stupidement. Vous mépriserez ou vous adorerez en bloc. Vous serez des barbares. »
Henri Focillon, lettre à ses parents. Cité par Thomine A., « L’enseignant. Quelques idées ont autant de facettes que les yeux d’un papillon », in Briend Ch., Thomine A., La vie des formes. Henri Focillon et les arts, Paris, INHA, 2003, p. 155.
L'oeuvre de Focillon mérite d'être lue et relue. Les quelques rares écrits de l'auteur sur les musées témoignent d'une intelligence rare et d'un sens particulièrement aiguisé de l'appréciation du sens du musée. La carrière de Focillon dans les musées fut malheureusement relativement brève, puisqu'il quitta assez rapidement Lyon pour Paris. C'est sans doute un réel dommage pour le monde des musées français, même si celui de l'histoire de l'art universitaire allait pouvoir grandement en bénéficier.
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