La mention de médiation culturelle risque de disparaître des diplômes de Master, risquant d'anéantir l'effort de constitution d'un champ de pratiques et de recherches pour le moins prioritaire.
Pour signer la pétition: http://www.avaaz.org/fr/petition/Ministre_de_la_culture_et_Ministre_des_enseignements_superieurs_Nous_appelons_a_reconstruire_les_masters_de_mediation_cu/?tKjOWgb
Nous appelons à reconstruire les masters de médiation culturelle.
Nous venons d’apprendre que la
médiation culturelle vient d’être effacée de la liste des diplômes
universitaires. D’un coup d’un seul ce sont 20 ans de travaux liant étroitement
citoyens, artistes, professionnels et universitaires qui disparaissent. 20 ans
d’une bataille qui a réussi à inscrire les publics au cœur de l’action
culturelle. 20 ans d’efforts pour réconcilier les théories et les pratiques
portées par l’Education populaire et celles des professionnels de la culture. Pas
seulement de la culture instituée et défendue par le ministère du même nom,
mais la culture au sens large, celle portée par les citoyens, le monde
associatif, les amateurs qui œuvraient tous ensemble à ce que chaque culture
soit reconnue, travaillée appropriée.
La médiation a su trouver sa
place aussi bien dans la reconnaissance de cursus diplômants que dans les
cadres d’emploi tant des collectivités territoriales que de l’Etat. Aux côtés
des artistes, des administrateurs, des conservateurs, des chargés de
communication, les professionnels de la médiation sont devenus ces spécialistes
des populations visées par le projet de démocratisation culturelle. Nous avons
réussi à faire reconnaître qu’il était essentiel pour toute institution
patrimoniale et de création (musées d’art, de sciences, d’histoire et de
société, monuments historiques, bibliothèques, archives, centres d’art, centres
de culture scientifique et technique, centres d’architecture et d’urbanisme,
théâtres, centres chorégraphiques, orchestres, etc.) que des professionnels
accompagnent les publics dans leurs démarches d’appropriation.
Ce n’était pas simple ! Nous
avions constaté que la démocratisation culturelle ne pouvait être laissée aux
producteurs des œuvres, des créations, des savoirs, car ceux-là ont déjà fort à
faire pour inventer, chercher, créer. Nous savions aussi qu’il ne s’agissait
pas seulement de communication ni de marketing et qu’il fallait veiller à ne
pas assimiler les œuvres à des « produits » commerciaux. Nous savions
qu’il y allait de la justice et de l’égalité entre tous si l’on voulait éviter
que seuls ceux qui étaient déjà dotés d’un fort capital culturel se sentent
concernés par les arts, les savoirs scientifiques et la culture. Nous avons
voulu former des spécialistes qui auraient pour tâche d’intéresser les personnes
à ce que produisaient les artistes et les chercheurs. Nous avons inventé et
développé la « médiation culturelle », un ensemble de métiers qui
travaillent à diminuer l’écart entre les publics et les œuvres, qui font cet
indispensable travail de transmission. Ce travail ne relève pas seulement de
l’école mais de toutes les institutions de culture, petites et grandes, qui
maillent le territoire national et aujourd’hui
le territoire immatériel de l’Internet.
Cette fonction s’est imposée au
point que les musées ont reconnu son utilité en l’inscrivant dans la loi
« Musées » de 2002. Alors que les besoins sont immenses, pourquoi
supprimer aujourd'hui ces formations qui savent préparer les professionnels,
dans tous les champs disciplinaires, aux enjeux et aux pratiques de
transmission informelle ? Comment faire aboutir la réforme des rythmes
scolaires et l’instauration d’un parcours d’éducation artistique et culturelle
pour tous les élèves sans faire appel à ces professionnels qui savent faire
converger les besoins de l’école et les
ressources des équipements culturels ? Faut-il cesser de former des
médiateurs alors que se multiplient les dispositifs de sensibilisation et de
transmission pour lesquelles les artistes ou les scientifiques ne sont
nullement préparés ? Va-t-on laisser seuls les enseignants face à ces
missions, alors qu’ils ont pu constater l’utilité et l’importance des savoir-faire de ces nouveaux
professionnels ? Va-t-on purement et simplement abandonner d’immenses
territoires dans lesquels n’existent que de petits équipements culturels aux
moyens affaiblis par les restrictions budgétaires ? Où vont pouvoir se
former tous ces jeunes qui veulent mettre en place des projets culturels,
auprès des publics « empêchés » parce qu’ils sont dans des
établissements fermés (l’hôpital, la prison), sont enfermés dans la maladie ou
le handicap ou parce qu’ils n’y ont jamais eu accès et n’ont pas de famille
pour les y inciter?
Sans doute cette jeune profession,
qui figurait sur la liste des « nouveaux métiers, nouveaux emplois »
soutenus par l’État en 1997 (autant dire au siècle dernier) était-elle encore à préciser dans ses
misions, ses compétences, ses savoir-faire et ses références (sociologie,
histoire de l’art, communication, psychologie sociale, etc.). Mais c’est
précisément par cette ouverture, cette faible institutionnalisation qu’elle
pouvait affirmer son rôle d’interface et d’attention pour tous les publics,
d’intermédiaire efficace.
Plus encore, elle préfigure de
nouvelles façons de transmettre, car elle a été le lieu où pouvaient se
construire de nouvelles pratiques de formation, d’éducation, de
sensibilisation. Les lieux culturels, petits et grands, non contraignants,
ouverts à tous, mettant à la disposition de tous les savoirs et les productions
de toutes les populations (pensons aux écomusées ou aux orchestres amateurs)
reposent sur ces compétences variées qu’il est indispensable de maîtriser pour
que fleurissent les projets culturels qui sont indispensables à la construction
de chacun, dans le souci de l’autre.
Est-ce faute d’avoir pris
conscience de l’importance de la médiation culturelle que le ministère de
l’enseignement supérieur a pris la décision de supprimer ces diplômes ? Jusqu’où
fallait-il simplifier ? Les professionnels de la médiation et les
chercheurs ont-il pu se faire entendre ? C’est pourquoi nous demandons
tant au ministère de l’Enseignement supérieur qu’au ministère de la Culture de reconstruire les mastères de médiation
culturelle. La liste parue au Journal Officiel du 11 février 2014 page 2414
- texte n° 21 - Arrêté du 4 février 2014 témoigne d’un repli sur les
disciplines traditionnelles, oublie des champs culturels importants (la
photographie et le design par exemple), et positionne la médiation du côté des
sciences, en la mêlant à l’information. Or la médiation n’est pas de
l’information.
Si la médiation culturelle reste
absente des nomenclatures de formation, comment sera-t-il possible de former les
professionnels des services des publics dans les secteurs du patrimoine et de
la création? Comment seront formés ceux qui mettent la science en culture ?
Va-t-on assister à un retour en arrière, avec des publics qui ne seront plus
accueillis ? Oublie-t-on enfin que la qualité des médiations dans les institutions
culturelles est pour beaucoup dans leur réussite et dans leur rayonnement, auprès
de nos concitoyens et auprès d’un public plus lointain, celui des étrangers qui
viennent en France ?
Tous les pays développés ont de
tels professionnels, et ils sont souvent au même niveau de responsabilité que
les conservateurs (les scientifiques) et les gestionnaires. C’est loin d’être
le cas dans notre pays. En restaurant les mastères professionnalisant et de
recherche à la médiation culturelle, la France pourrait affirmer qu’elle ne renonce pas à
mettre les publics et les populations au centre du travail des institutions
culturelles. Elle donnerait ainsi un contenu à l’affirmation toujours répétée
et jamais concrète de la dimension culturelle de sa démocratie.
16 février 2014
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