dimanche 17 avril 2011

Si MM. les conservateurs, directeurs, professeurs...


"Si MM. les conservateurs étaient plus jeunes, ils seraient encore accessibles aux idées neuves; leur cerveau moins pétrifié s'assimilerait les idées novatrices et contrairement orientées, adoptées et appliquées ailleurs. ils tiendraient à coeur à n'être point dépassés par des concurrents, ils auraient plus en vue l'art que la manière de s'en servir; même intéressés et mesquins, ils ne se montreraient pas intransformables, ne fût-ce que pour montrer du zèle. Mais voilà, tous les conservateurs, directeurs, professeurs, recteurs, administrateurs sont des vieux, de braves et dignes et très serviables vieux immobiles, qu'on devrait mettre à l'écurie des pensions.

Qu'on leur plaque leur médaille sur la redingote, qu'on la leur attache au cou, qu'on la leur estampille dans la chair, qu'on les classe parmi les illustrations académiques, qu'on leur commande le buste par M. Vinçotte ou le portrait par M. Cluysenar, qu'on les mette vivants sous le globe des respects, tant mieux ! - mais pour Dieu, qu'ils cessent d'être des obstacles, des pierres dans le chemin et des broussailles mortes par à travers les jambes. Que ce qu'ils ont sous leur main jaune ne devienne momie, ne se change pas en ramasse-poussière!"

Le poète Emile Verhaeren (1855-1916), qui signe ces mots en 1891, a beaucoup écrit sur le monde de l'art. Son verbe enthousiaste fustige régulièrement la paresse du monde muséal, contre laquelle il tonne et sonne nombre de charges étonnantes, au tournant du 20ème siècle. Autre monde, bien sûr, que celui de ces musées vides, sollitudes cirées décriées par Valéry, quelques années plus tard...

mardi 5 avril 2011

Les musées aiment-ils le public?

Le titre de l'ouvrage de Bernard Hennebert est irritant, son contenu l'est parfois tout autant, mais un tel témoignage est salutaire. Par-delà les classiques enquêtes de public, voilà le journal de bord d'un assidu des courriers de réclamation (gratuité, affichage des conditions de visite et des réduction, etc.): un visiteur consommateur, qui entend que les droits du citoyen soient entendus. L'exercice est salutaire. S'il reçoit souvent des réponses policées, il va de soi que ses courriers ne sont pas toujours appréciés, loin s'en faut. Mais Hennebert a obtenu, seul (toutefois entouré de nombreux visiteurs actifs), un certain nombre d'avancées dans la démarche qu'il prône.

 

Il est intéressant de lire un tel ouvrage, révélateur d'une époque. S'il fut un temps où le public n'était pas le bienvenu dans les sollitudes cirées du musée, le voici maintenant attendu, sollicité, courtisé. Mais tous ne sont pas des moutons, et certains se rendent compte qu'on les assimile parfois un peu trop rapidement à des portefeuilles ambulants.

Je ne peux totalement adhérer à son combat, et bien que je ne puis qu'approuver une meilleure prise en compte du public, je ne peux m'empêcher de penser que de telles revendications se rapprochent trop de celles des consommateurs classiques. Le musée n'est pas un bien comme les autres, mais cet ouvrage nous rappelle, de manière implicite, qu'il a tendance à se rapprocher toujours plus du monde du marché, tant dans le chef de ses responsables que dans celui de ses usagers.